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Quand l'art emprunte à la vie : stimuler le débat sur la migration

Adama Dia
Sénégal
Histoire
Les volontaires MaM, sur la scène de l’Institut Français de Dakar, le 6 juillet 2022 lors de la restitution de la résidence créative  Photo : OIM 2022/Amanda NERO

Quand Maty Sarr prend la parole, c’est à travers la scène. La comédienne chevronnée, travaille avec le réseau de bénévoles Migrants comme Messagers (MaM), depuis 2018.

Maty utilise le théâtre social, un outil artistique puissant, pour partager son expérience migratoire. Après avoir regagné l'Europe en bateau, elle réalise que la vie n'est pas telle qu'elle l'avait imaginée. Maty décide de rentrer au Sénégal où elle dirige désormais une troupe de théâtre créée par des migrants de retour par l'intermédiaire de l'Association Sénégalaise de lutte contre la Migration Irrégulière (ASMI).

La troupe de théâtre a collaboré avec d'autres artistes sénégalais, et créé à ce jour quatre pièces de théâtre qui ont été jouées plus de 50 fois. Selon Maty, le processus de création offre un espace d'expression sûr, une source d'inspiration pour le jeune public, et encourage le lien social.

Maty Sarr performing in the presence of other returnees and actors. In each performance, the theatre group strives to deconstruct stereotypes associated with migration. Photo: IOM 2022

Une collaboration artistique inédite

Cette année, Maty et d'autres volontaires MaM ont participé à une collaboration artistique unique entre Haïti et le Sénégal. Ils ont pris part à la conception d’une résidence créative avec deux artistes engagés autour de la thématique migratoire : Fatoumata Bathily, réalisatrice sénégalaise, et Guy Régis Junior, dramaturge et metteur en scène haïtien.

Au démarrage de la résidence créative, Guy a animé un atelier de théâtre sur sa pièce, « L'amour telle une cathédrale ensevelie ». Il s’agit d’une histoire universelle, celle du périple d'un migrant en quête d'un avenir meilleur. La pièce suit le parcours d'un fils qui tente désespérément de rejoindre sa mère, dans ce qu'il croit être un eldorado.

L'atelier, qui a réuni dix volontaires, a été l'occasion pour chacun de partager son expérience migratoire, tout en apprenant le texte et les chansons de la pièce. Maty a particulièrement apprécié ce processus créatif et collectif : « Ce qui m'a impressionné, c'est le talent dont les volontaires ont fait preuve pour enrichir cette pièce. »

Kolda-based volunteer Youssouf Sané performing at the creative residency event in Dakar. Photo: IOM 2022/Amanda Nero

La production d'une courte vidéo a constitué un temps fort de la résidence créative. Pendant dix jours, Fatoumata et Guy ont travaillé avec Maty et quatre autres volontaires afin de réaliser une vidéo pour le lancement de la production théâtrale de Guy prévu en automne à Paris. Les volontaires ont acquis des compétences en matière de mise en scène, de réalisation et de montage auprès de Fatoumata et Guy, qui explique : « C'est bien de prendre sa plume et d'écrire, mais je voulais rencontrer des personnes qui ont vécu cette expérience. »

« On le répète, voyager, ce n’est pas être riche. » 

Le 6 juillet 2022, une soirée de restitution de la résidence créative était organisée à l’Institut Français de Dakar. La performance comprenait trois langues différentes qui reliaient le Sénégal, Haïti et l'Afrique de l’Ouest - le wolof, le créole et le français.

Si guedj gui lagnou aksé

Si guédj gui laniouy demé

Diow nguir outi doundou wou gueun

Sou lanmè nou vini

Sou lanmè nou prale

Nap goudiye n ap chache zile Pou mezi pye nou

Par la mer nous sommes arrivés ici

Par la mer nous nous en allons d’ici

On navigue à chercher des îles à la mesure de nos pieds

Bineta Gano, l’une des actrices bénévoles, considère que la prestation a permis de déconstruire une conception assez répandue liée à la migration. Elle précise : « On a joué cette pièce entre migrants de retour, et on a déconstruit l’idée selon laquelle quelqu’un qui a quitté son pays devient nécessairement riche. »

La pièce, a exploré la manière dont l'individu qui a voyagé, est ensuite responsable de l'espoir qu'une famille ou une communauté projette sur lui. La migration régulière et sûre, peut générer des revenus économiques, tandis que la migration irrégulière, peut exposer les individus à des risques et à la vulnérabilité.

Après avoir rencontré et travaillé auprès de migrants de retour, Guy a exprimé sa gratitude : « J'ai beaucoup de chance d'avoir fait ce voyage, et d'avoir rencontré des gens que je n'oublierai pas, et qui me manqueront beaucoup. »

Adama DIA, Assistant Communication, OIM Sénégal.